Au menu de ce réveillon de la Saint-Sylvestre, j'avais décidé pour l'entrée de sortir le grand jeu en utilisant un produit plutôt inconnu en France : le Lard de Colonnata (appelé lardo di Colonnata). Il s'agit d'un produit exceptionnel provenant de Colonnata, une petite ville située non loin de Carrare.
De forme rectangulaire (dont l'épaisseur n'est jamais inférieure à 3 centimètres), il s'agit d'un lard qui va mariner dans le sel et les épices. Vu de l'extérieur, la partie inférieure conserve la couenne tandis que la partie supérieure est recouverte du sel de maturation devenu foncé sous l’effet des herbes aromatiques et des épices. Une bande de viande maigre peut être présente. Au niveau de l'arôme et de la saveur : c'est très riche en arômes puisque sont encore présentes les herbes aromatiques et les épices (sel marin, ail, romarin, sauge, origan, poivre noir, cannelle, noix de muscade, etc.). Petit détail : le lard est conservé dans les cuves de marbre !
Et son histoire me diriez-vous ? Colonnata doit son nom à la présence d’une colonie d’esclaves employés par les Romains dans les carrières de marbre. Or, les Romains avaient conscience du rôle important du lard dans le régime alimentaire des ouvriers soumis à des travaux fatigants. Selon le Code justinien (c'est mon côté juriste qui revient !), les légionnaires eux-mêmes recevaient une ration de lard tous les trois jours.
La grande qualité du marbre présent à Colonnata a permis parallèlement de développer des objets de la vie quotidienne comme les mortiers pour le broyage du sel et les fameuses piles de marbre, rebaptisées localement « conche » (vasques), servant à la conservation du lard.
C’est l’élevage porcin et l’habileté réputée dans l’art de la transformation de leurs viandes (introduit sur place par les Longobards) qui a permis au village de Colonnata de survivre durant le Moyen Age, lorsque l’activité d’extraction du marbre a connu un coup d’arrêt. Les fouilles ont ainsi permis la découverte de vasques de marbre servant à la maturation du lard, datées des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Il s’agit de vasques de dimensions variables provenant de la zone des « Canaloni di Colonnata ». De même, pour le côté touristique, les façades de certaines maisons conservent des bas-reliefs du XIXe siècle montrant Saint-Antoine, un ermite du III-IVe siècle, qui avait la réputation, dès la fin du XIe siècle, de guérir le « feu de Saint Antoine », dénomination populaire de l’herpès zoster. Les applications de lard sur la peau ont constitué pendant des siècles le seul remède efficace contre la maladie. C’est la raison pour laquelle saint Antoine est souvent représenté accompagné d’un cochon.
En outre, il est intéressant de noter que l’église paroissiale est consacrée à Saint-Bartolomé, patron des bouchers, et que la fête patronale est également l’occasion d’une fête du lard qui attire de nombreux visiteurs italiens et étrangers.
Comment est-il fabriqué ? La production est saisonnière et s’étend de septembre à mai. Le lard doit être transformé à l’état frais. Dans les soixante-douze heures qui suivent l’abattage du cochon, il doit être paré et enduit de sel, puis placé dans les vasques de marbre conçues à cet effet, localement appelée "conches", préalablement frottées avec de l’ail, en alternant couches de lard et couches d’aromates (poivre frais moulu, le romarin frais, l’ail épluché et grossièrement tranché), jusqu’au remplissage des vasques. Une fois pleine, la vasque est fermée. Le lard devra reposer à l’intérieur des vasques pendant six mois au moins.
Pour passer sur la table, le lard est commercialisé en tranches, d’un poids compris entre 250g et 5kg souvent conditionné sous vide dans un emballage plastique.
A Paris, deux adresses le proposent actuellement :
Idea Vino, rue Parmentier (11e) (ils en proposaient exceptionnellement pour les fêtes de fin d'années en petite quantité) ;
QualItalia, rue de Broca (5e) (il faut le commander quelques jours avant. Ils le vendent souvent par morceau de 3kg).
Finalement, ce produit m'a permis de réaliser la recette suivante.
Ingrédients (par personne) :
4 noix de Saint-Jacques
4 tranches fines (style carpaccio) de lardo di colonnata
sel, poivre
velouté de potimarron
Tout d'abord, préparer votre velouté de potimarron. Pour cela, faites cuire votre potimarron épluché et coupé en morceaux dans un volume d'eau. Une fois que la pointe du couteau transperce les morceaux facilement, passer au mixer en ajoutant progressivement de l'eau de cuisson afin d'obtenir la texture d'un velouté. Rectifier l'assaisonnement.
Préparer vos tranches de lard. Attention car le lard commencera à fondre légèrement au contact de vos doigts ;).
Dans une poêle anti-adhésive préalablement chauffée, faites revenir à sec vos coquilles Saint-Jacques "recto/verso" (environ 1 min 30 de chaque côté). Saler et poivrer très légèrement.
Avec un cercle, dresser un peu de velouté de potimarron dans une assiette (équivalent d'une petite louche).
Enrouler chaque coquille d'une tranche de lard. Faites avec 4 coquilles Saint-Jacques une brochette que vous disposez sur le velouté de potimarron. C'est prêt !